Nous avons lancé, en novembre dernier, le collectif La Vayres à Boire pour proposer une pratique amateure, à la campagne, à Vayres, en Haute-Vienne, pour le théâtre et la danse.
Nous avions envie de célébrer ces pratiques en 2024, en inscrivant deux dates dans nos agendas, celle particulière du 29 février, jour de l’Extra Day et celle du 25 mai.
Suite à notre rencontre avec des musiciens, une idée nous est venue, concevoir une petite forme théâtrale pour le 29 février aussi pour créer, de manière collaborative et libre, et poser cette question de limites, de frontières entre une création théâtrale et les publics, les types d’art vivant, théâtre, danse et musique…
Au fur et à mesure des RDV ateliers participatifs, le groupe a changé, évolué, sans nécessairement que soient exprimées des idées claires pour nous permettre de rebondir, avec, parfois, des attentes que nous ne pouvions satisfaire: l’obligation d’un cadre, un texte de répertoire, des sujets en lien avec le village de Vayres mais problématique, clanique pour l’ADN de notre association.
4 rdv ont donné lieu à des précisions, des réajustements, des bribes et extraits sont sortis, des références culturelles populaires, cinéma, série TV, un peu de théâtre classique, des répliques de Vaudeville… Le ton, décalé, et humoristique mais engagé.
AXES choisis et proposition de sujets
Nous sommes solidaires de la L.P.O lorsqu’elle lance son plaidoyer pour les E.S.O.D.
Lutter contre les préjugés et reprendre les expressions: « réhabilitation, présumés coupables, mal aimés, faites entrer l’accusé », regarder dans l’histoire ce que nous pouvons en dire
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La plupart de ces espèces peuvent être des hôtes de votre Refuge LPO. Elles y vivent discrètement, parfois tout prêt de nos habitations. Ces animaux sont considérés « nuisibles » par arrêté ministériel et peuvent légalement faire l’objet de destruction tout au long de l’année. Ils font pourtant partie de notre faune de proximité, ne sont pas dangereux et leur présence est indispensable à l’équilibre de nos écosystèmes. Pour cette raison, il est plus que jamais nécessaire de les accepter chez vous, que vous soyez en ville ou à la campagne. La LPO s’est donnée pour objectif de les faire sortir de la liste officielle des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » qui doit être renouvelée par le gouvernement en juin 2023. Source Mobilisation citoyenne LPO
Nous vous invitons au cours des prochains mois à suivre les actions de la LPO pour réhabiliter ces animaux « présumés coupables » et à contribuer à leur défense dès aujourd’hui.
Le 15 juin 2023, le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a ouvert la consultation publique concernant le classement triennal du groupe 2 des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD) pour la période 2023-2026.
Le projet d’arrêté ministériel renouvelle au niveau national la liste nationale actuelle des 9 espèces d’ESOD, 4 mammifères et 5 oiseaux :
- la Martre des pins
- la Belette
- la Fouine
- le Renard roux
- la Pie bavarde
- le Geai des chênes
- la Corneille noire
- le Corbeau freux
- l’Étourneau sansonnet.
Selon un tableau de répartition géographique annexé à l’arrêté, chacune de ces espèces est alors classée ESOD à l’échelle d’un département ou sur un nombre limité de communes ou de cantons, où elle pourra être détruite tout au long de l’année en quantité illimitée. Source LPO Auvergne-Rhône Alpes
Signataires de ce plaidoyer, il nous a donc semblé évident d’incarner une de ces espèces concernées par ces classifications.
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Nous avons choisi ces deux là, aussi, parce que nous ne pouvons pas ignorer leur place dans le folklore, légendes, bestiaire, images, mauvaises réputations, culture etc…
Le Corbeau
Noir, c’est noir, le damné, le sérieux, le deuil. Sombre, luxe, élégance, on ne compte plus les associations, attributions que l’on donne à la couleur noir.
Au début était la nuit, l’immense nuit des origines » Michel Pastoureau
Le noir dans l’histoire de l’art
C’est la couleur du commencement et de la fin, de l’avant et de l’après. Le noir est l’une des premières teintes employées par les artistes, et ce depuis la préhistoire ! Pourquoi les artistes sont obsédés par le noir
Le noir n’est pas une couleur ? Il s’agit tout simplement d’une absence de couleur. Il n’est pas, non plus, le contraire du blanc!
On écoute – L’historien Michel Pastoureau est spécialiste de la couleur. Après avoir décrypté l’histoire du bleu, du vert… ce sont les mystères du noir qui sont levés. Michel Pastoureau nous explique notamment, au micro d’Ali Rebeihi, que le noir n’est pas le contraire du blanc… Extrait d’un moment d’antenne passionnant. Radio France. France Inter
Le noir et les oiseaux – Murmurations (action de murmurer ou le regroupement important d’oiseaux en vol ou en nuage) des étourneaux par Soren Solkaer
La fable de la Fontaine, le Corbeau et le renard
Sa morale et le souvenir de la récitation….
Morale, on ne peut plus actuelle:
« Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute «
Le courtisan et le courtisé – le courtisan (ici le renard) ne sachant que flatter pour obtenir ce dont il a besoin et le courtisé (le corbeau) bien haut perché sur l’échelle sociale, sensible aux belles paroles des courtisans qu’il écoute et qu’il absorbe. Le courtisé et le courtisan sont au final tous les deux dépendant l’un de l’autre.
Ceci nous rappelle, la dépendance des acteurs à leurs publics d’où un dispositif scénique au même niveau pour faire tomber et briser le «quatrième mur», frontière fictive entre comédiens et spectateurs.
La question de l’adresse au public
L’adresse au public est évidemment aussi vieille que le théâtre. «A Londres, au XVIIe siècle, lors des créations des pièces de Shakespeare, les spectateurs étaient debout, tout près de la scène, autour des acteurs, et leur touchaient les pieds, explique Béatrice Picon-Vallin, professeur d’histoire du théâtre au Conservatoire national . Source le-public-et-les-acteurs-dans-le-meme-tableau
Récitation – « Des générations entières de petits français et française se sont soumis à l’exercice angoissant et à l’épreuve emplissant les joues de timidité que nous avons nommé la récitation. Un silence de mort régnant sur la classe, le regard des élèves fuyant celui du maître ou de la maîtresse craignant qu’un simple contact visuel ne les verrait tout désigné pour rentrer dans l’arène des regards inquisiteurs, des oreilles attentives et des rires étouffés. Qui n’a pas récité l’Albatros de Baudelaire ou encore Le corbeau et le renard de Jean de la Fontaine ? » Source
Les faits divers, les lettres anonymes, le film mal aimé de Clouzot…
Le Corbeau, film d’Henri-Georges Clouzot est l’objet d’un scandale à sa sortie en 1944. De la genèse au succès du film, de son interdiction à sa réhabilitation, Pierre Billard raconte les mésaventures de cette œuvre majeure du cinéma français des années 40. Source : Cinematheque
1917-1922 : une vague de lettres anonymes empoisonne la ville de Tulle.
1935-1937 : un scénario de Louis Chavance adapte l’affaire.
1943 : dans la France occupée, Henri-Georges Clouzot, à partir de ce scénario, réalise Le Corbeau, produit par la Continental.
1945-1947 : Le Corbeau est interdit et Clouzot suspendu par les instances d’épuration du cinéma.
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Le corbeau est, malheureusement, un personnage célèbre dans les faits divers qui ont marqué les français comme l’Affaire du Petit Grégory.
Les corbeaux d’Hitchcock
On commence avec un couple d’inséparables, un goéland mort, des moineaux dans la cheminée…
« Elle s’enfuit la bouche ouverte dans un cri silencieux, et rentre précipitamment chez elle. Mélanie propose alors d’aller chercher Cathy au collège. Alors qu’elle attend la fin des cours devant l’école, des corbeaux se rassemblent. Craignant une attaque, elle en informe Annie, et toutes deux font sortir les enfants en leur demandant de courir s’abriter en ville. Les oiseaux prennent leur vol et attaquent les enfants, qui s’enfuient en hurlant.
Après cette agression, les oiseaux s’en vont. »
Corbeau est un terme vernaculaire composant le nom normalisé de plusieurs espèces du genre Corvus qui comprend aussi les corneilles.
« Celles élaborent des stratégies, sont fidèles en amour, apprécient les cacahuètes… Au Jardin des Plantes, à Paris, des corneilles baguées sont observées avec intérêt. Et démontrent, n’en déplaise à Hitchcock, qu’elles mériteraient d’être mieux aimées. « les-corneilles-ces-oiseaux-mal-aimes
Nevermore
Le Corbeau, cité, voire ultra présent au cœur de la culture gothique, tout droit sorti de The Raven, poème d’Edgar Poe.
Alors, dans la culture populaire anglophone, Edgar Poe est une référence très citée, reprise, exploitée, un monde entier lui rend hommage, de la musique (on pense à The Alan Parsons Project), au cinéma, audio livre, au théâtre et au sein de la littérature…
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—Parce que le vert porte, soi disant, malheur au théâtre, on coiffera le personnage du corbeau d’un chapeau vert (à l’instar des fanes de carottes)!
Le vert, est la couleur changeante, instable et tabou, Molière… le jour de sa mort était habillé en vert… Du moins la légende le veut-elle ainsi : Radiofrance.fr France Inter pourquoi-le-vert-est-il-tabou-sur-les-scenes-de-theatre
Comme le dit avec malice Michel Pastoureau :
« On ne sait pas trop si c’est vrai, mais on l’a dit, et à partir du moment où on l’a tellement dit, ça devient vrai ».
Le Renard Roux
L’animal, la couleur, roux, orange, poil de carottes…
On vous recommande le film « La montagne aux renards » –
« Anne et Erik Lapied proposent un cru remarquable. Ils ont filmé une année entière de la vie d’une famille de renards dans le chaos rocheux d’une montagne des Alpes italiennes. Le résultat, esthétiquement superbe, est une chronique de la vie sauvage dépouillée et poétique, au sein de laquelle le téléspectateur s’immerge dans le quotidien trépidant de ce modeste prédateur. » Source Critique La montagne aux renards arte
L’animal, Vulpes Vulpes
De taille moyenne, avec des pattes relativement courtes et minces, le renard roux a un pelage très fourni, plus dense en hiver, et présentant de grandes variations de coloration selon les individus ou la région. Au printemps, ses poils tombent par plaques, lui conférant un aspect miteux. Son museau est effilé, sa queue est longue et touffue, et ses oreilles triangulaires et proéminentes sont noirâtres aux extrémités.
On n’oublie pas : 56 millions d’animaux sont tués chaque année dans le monde uniquement pour leur fourrure (chiffre 2017)
On se remémore 2017 – De « belles » fourrures de renard obtenues par un gavage forcené de l’animal : c’est le scandale révélé par une association de protection animale en Finlande. La Fondation 30 Millions d’Amis dénonce ces pratiques cruelles et cet odieux commerce. Sa pétition pour obtenir la fermeture définitive des fermes à fourrure en Europe totalise déjà plus de 200 000 signatures. Source 30 millions d’amis
Le renard est une espèce chassable qui peut être tuée en nombre illimité par tout détenteur d’un permis sur l’ensemble du territoire entre les dates officielles d’ouverture et de fermeture de la chasse, soit entre début septembre et fin février. Plus d’un demi-million de renards sont ainsi abattus en France chaque année par toutes formes de chasse : tir, piégeage, chasse à courre, battues administratives et vènerie sous terre, une pratique de déterrage particulièrement cruelle.
Le renard est également classé ESOD (Espèce susceptible d’occasionner des dégâts) dans 88 départements. Cela signifie qu’il peut faire l’objet d’actes de destruction toute l’année par les particuliers ou à la demande du maire ou du préfet par battues administratives. C’est le préfet de chaque département qui détermine les espèces qui peuvent être classées nuisibles localement.
Les faux procès se multiplient pour tenter de justifier l’injustifiable. Les renards sont accusés de véhiculer l’échinococcose alvéolaire alors que différentes études montrent que leur élimination est inutile pour stopper cette maladie parasitaire transmissible à l’homme, voire qu’elle favorise sa progression. La rage, officiellement éradiquée du territoire français en 2001, reste même parfois évoquée. On brandit le danger d’explosion démographique alors que les populations de renards, comme tous les prédateurs, s’autorégulent en fonction du nombre de proies et de territoires disponibles. Quant aux poulaillers, de solides clôtures permettent aisément d’en éloigner l’animal. En réalité, les chasseurs ne cachent pas qu’ils cherchent surtout à éliminer la concurrence car les renards s’attaquent volontiers aux proies faciles que représente les millions de faisans, perdrix et autres lapins et lièvres élevés dans des conditions déplorables avant d’être relâchés dans la nature pour leur servir de gibier dominical. Fiches espèces renard-roux
La couleur orange
Le orange est une demi–couleur, issue d’un ou plusieurs élément(s) de la nature. L’orange est la couleur entre le jaune et le rouge sur le spectre de la lumière visible.
On pense aux fruits, légumes, la citrouille, l’épouvantail de Grimault (en image ci-dessus, film d’animation de 1943) à Halloween (orange et noir), à des références culturelles tout droit sorties des séries, par exemple, Orange is the New Black.
Le choix d’une combinaison orange (costume) pour incarner le renard roux est une référence directe à cette série.
« Orange is the New Black est le premier coup magistral de Netflix depuis son entrée sur le terrain de la production originale (…) Ces femmes et leurs histoires composent une tapisserie aussi étrange que triste, mais la série n’est en aucun cas un Oz au féminin (…) Kohan et ses scénaristes sont fascinés par le million de petits détails qui forment un royaume aussi crédible que désenchanté. Chaque épisode contient des révélations fascinantes sur le monde de la prison, presque comme si la série avait une intention documentaire. » Huffington Post
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En Europe et en Amérique, les enquêtes montrent que l’orange est la couleur la plus associée à l’amusement, aux non-conventionnels, aux extravertis, à la chaleur, au feu, à l’énergie, à l’activité, au danger, au goût et à l’arôme, au Protestantisme. la couleur nationale des Pays-Bas et de la Maison d’Orange. Il sert également de couleur politique à l’idéologie politique de la démocratie chrétienne et à la plupart des partis politiques démocratiques chrétiens. En Asie, c’est une couleur symbolique importante du bouddhisme et de l’hindouisme.
Histoire et art
Dans l’Egypte ancienne, les artistes utilisaient un pigment minéral orange appelé realgar pour les peintures funéraires, ainsi que d’autres utilisations. Il a également été utilisé plus tard par les artistes médiévaux pour la coloration des manuscrits. Des pigments ont également été fabriqués dans les temps anciens à partir d’un minéral connu sous le nom d’orpiment. L’orpiment était un objet de commerce important dans l’Empire romain et était utilisé comme médicament en Chine bien qu’il contienne de l’arsenic et qu’il soit hautement toxique. Il a également été utilisé comme un poison de mouche et pour empoisonner les flèches. En raison de sa couleur jaune-orange, il était également un favori avec les alchimistes cherchant un moyen de faire de l’or, à la fois en Chine et en Occident.
- Chaleur,
- Joie,
- Tonus
- Santé,
- Vulgarité
Au cinéma, on pense à Orange mécanique ( Kubrick) et à Antony Burgess / Expression Clockwork orange pour indiquer étrange, inhabituel, « être bizarre comme une orange mécanique ».
La rousseur
On change de cadre, un peu, le renard est associé à la sournoiserie, sa couleur feu, à elle seule, est problématique, et oui, l’histoire de la rousseur…Légendes, superstitions, préjugés…
IVème siècle avant J.-C. : Aristote affirme que « la couleur rousse est une espèce d’infirmité du poil, et [que] tout ce qui est faible vieillit plus vite. » Au même moment, les roux deviennent des boucs-émissaires qui seront chassés de la Cité pour expier les fautes collectives. Au théâtre, ils seront les personnages grotesques et subalternes…
Ce projet c’est aussi dénoncer le « roucisme », la discrimination dont sont victimes les hommes et les femmes aux cheveux roux.
Moqués, harcelés voire chassés depuis l’antiquité, roux et rousses sont aujourd’hui encore victimes de préjugés irrationnels.
Nous présenterons, aux publics, de manière synthétique, le pourquoi du comment de nos choix et les inviterons à une participation active. Aller au théâtre aussi pour s’exprimer, jouer et vivre une expérience.
Notre volonté, à Vayres, d’aborder ces espèces et les symbolismes associés tient aussi au fait de donner de la voix aux faux coupables et d’aborder la question des préjugés, dans tous les sens du terme.
La campagne est, à la fois rêvée, idéalisée et subie, le théâtre vit à sa manière des difficultés de lecture, souvent mal connu, identifié, enfermé dans une conception dominante de la culture.
Le parti pris excluant, l’idée reçue, l’a priori, le stéréotype, le préjugé qui stigmatise et qui condamne…
Ce projet est aussi une tentative de réhabilitation de ces espèces et un moyen d’interroger la représentation que l’on se fait du théâtre. On enlève donc la traditionnelle scène, on supprime l’ estrade, on compose avec des textes crées, des textes/tirades qui peuvent faire peur ou être perçus comme élitistes.
Le souhait est de déposer quelques grands mots des grands auteurs de théâtre au pied de cette petite salle des associations, espace dit non dédié, salle de classe, qui plus est de village, comme si ce n’était ni le lieu ni l’endroit. Et pourquoi pas ?
A très vite!

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